30 août 2013

Les Amours de L'ange Lure - Marquis de Bièvre


Ne jamais sous-estimé un livre, aussi dépassé et bizarre vous semble-t-il. J'ai trouvé celui-ci usé et usagé, dans le fond de la bibliothèque de ma grande sœur ou bien parmi d'autres livres à donner à la bibliothèque municipale, du temps ou j'étais impliquée dans le bénévolat, je ne me souviens plus. Un rejet.

Le Marquis de Bièvre est un monsieur - que dis-je un gentilhomme! - français vivant au temps des Lumières. Un amoureux des jeux de mots et, rajoutons à cela l'utilisation d'un français vieillot et je suis conquise. Ben quoi ? Je trouve cela étrangement rafraîchissant ^^. Le Marquis est aussi reconnu pour sa phrase : "une secrète horreur me glace au chocolat"... Vous voyez le genre.

Parmi quelques-unes de ses œuvres  recueilli dans ce livre, nous y trouvons : Lettre écrite à Madame la comtesse Tation, une parodie de pièce de théâtre intitulée Vercingentorix (dont est tiré la fameuse phrase), Les Bièvrianas (le vieil équivalent du stand-up comique) et Les Amour de l'ange Lure, une suite de calembours considéré à l'époque comme grivois. C'est à dire pas beaucoup, tellement les détours du langage sont alambiqués.

C'est tout de même cette dernière que j'ai décidé de vous présenter aujourd'hui (autant aborder le croustillant dès le début!). Si vous n'étiez pas convaincus avant de lire ceci, vous le serez après. Mesdames et messieurs, Les Amours de l'ange Lure, roman historique.



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   "La fée Lure, sans pouvoir être comptée parmi les fées Nomènes, tenait cependant un rang considérable dans l’empire de l’amour. Les femmes même n’en étaient point jalouses, et lui rendaient généralement tant de justice qu’elles trouvaient tout simple que leurs amants fussent sans cesse occupés du soin de rencontrer la fée Lure. Loin de contrarier en cela leurs désirs, elles s’y prêtaient journellement avec la plus grande douceur. Il n’est donc pas surprenant que cette aimable fée ait fini par mettre tous les anges au nombre de ses soupirants."

   "L’ange Lure fut celui qui se déclara le premier, et les autres s’engagèrent à le servir dans ses amours. Le rapport de nom lui servit d’abord de prétexte pour s’introduire : il se dit soupirant, et la fée Lure le crut. Il lui parut tout simple de recevoir son cousin, de le voir tous les jours et de se montrer sans cesse en public avec lui. Malheureusement, ayant cru devoir pour la décence mener avec elle une fée de ses amies, elle fit choix de la fée Néantise. L’ange Lure, de son côté, mit l’ange Oleur de la partie, et ce fut là ce qui perdit la fée Lure. Il est peu de femmes qui puissent conserver leurs principes en pareille compagnies : si elles résistent aux séductions de l’ange Oleur, elles succombent aux conseils de la fée Néantise ; aussi l’ange Lure ne tarda pas à profiter de ses avantages. Il vit que l’heure de la fée était venue, mais ne se sentant pas assez fort par lui-même, il chargea l’ange Oleur d’engager la fée Lure à recevoir l’ange In, le plus dangereux de tous et le plus insinuant. L’ange Oleur s’approcha de l’oreille de la fée, et lui faisant tout bas sa proposition, il ajouta : vous serez charmée de le recevoir, c’est le père de la fée Licité, que vous aimez, et pour qui vous avez beaucoup de considération."

   "La fée Lure consulta la fée Néantise, qui lui dit : que risquez-vous ? Laissez-le entrer ; et la fée Lure répéta : qu’il entre… À ce mot, l’ange In, qui jusque-là s’était tenu caché, se montra tout à coup, et par le moyen de l’ange Ambée, il se trouva dans l’instant à portée de la fée Lure, qui l’accueillit avec tout plein de grâces. La conversation fut des plus piquantes, et en général il se conduisit d’une manière si satisfaisante, sans blesser aucunement la fée, qu’elle en fut toute pénétré ; et comme il se disposait à sortir, il n’est pas d’agacerie de femme qu’elle ne lui fit pour le retenir, l’engageant d’ailleurs à redoubler d’ardeur et a revenir souvent, ce qu’il promit avec une inclination respectueuse. Puis il se retira pour se renfermer chez lui."

   "La fée Lure s’aperçut bientôt que la fée Condité pourrait la trahir de ce transport, et que cette fée, négligée trop souvent, avait voulu, contre l’usage ordinaire, jouer son rôle dans l’intrigue que l’ange Oleur et la fée Néantise avaient si bien conduite. Elle voulut quelque temps douter de son malheur ; mais voyant que la fée Condité s’obstinait à faire connaître dans le monde ce qui s’était passé, et qu’elle finirait par la déchirer impitoyablement, elle crut devoir engager l’ange Lure à l’épouser, pour couvrir ses torts. Celui-ci, malgré les conseils de la fée Lonie, qui voulait l’éloigner de ce mariage, y consentit enfin à la satisfaction des anges et des fées, qui se réunirent pour les mettre en ménage, et pour célébrer leur union."

   "Les noces se firent rue de la fée Ronerie, dans une maison que l’ange Oliveur avait fraîchement décorée, La fée Raille avait elle-même posé les sonnettes, les triangles, etc. La fée Sandrie apporta son plat au festin, et l’ange Vin se chargea d’abreuver les convives. L’ange Oûment soutint lui seul la conversation, et ne voulut plus quitter les nouveaux mariés."

   "Après souper, il y eut une bouillotte dont l’ange Eu fit tous les frais. Ensuite un bal magnifique où tous les convives développèrent à l’envi leurs grâces et leur légèreté ; jusqu’à la fée Roce qui voulut aussi danser sa contredanse : mais comme à chaque saut elle était essoufflée, la fée Rule était souvent obligée de lui donner sur les doigts pour la faire aller. Malgré cela, on lui sut toujours bon gré de sa bonne volonté."


   "Par cet heureux hymen, l’aimable fée Lure répara, du moins aux yeux du public, le tort que la fée Condité lui avait fat. Elle ne fut plus contrainte de cacher sa grossesse, et quelques mois après elle accoucha d’un fils, qui fut appelé tout d’une voix l’ange André. Les couches pénibles de la fée Lure, loin de diminuer ses charmes, ne firent que les accroître davantage, et cette circonstance lui inspira des projets d’ambition qui lui réussirent : dès lors sa maison fut ouverte aux plus grands seigneurs. La fée Lure devint de jour en jour plus considérable, et parvint enfin au point de grandeur où nous la voyons aujourd’hui."


FIN.

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